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Show 3q£ MANUEL COMPLET de la noblesse a tous ses sujets, plutot que le grand peintre dont parle Montesquieu. II composes et execulera philosophiquement, et avec une parfaite connaissance des faits et du caractere des personnages qu'il represente; il n e commences son ouvrage qu'apres avoir etudie les causes et les effets, l'histoire des temps, et meme tout ce qui est relatil ou qui a quelque connexiou avec le tableau qu il pemt. II ne don-nera pas a Cesar le corps de Goliath , mais il |e peindra avec ce regard et cette eontenance qui deeelent sur-le-champ un homme d'un genie extraordinaire et qui veut commander a l'univers. Ce ne sera pas sous les traits d'un vieiliard ordinaire qu'il peindra Regulus, mais il s'efforcera de lui donner cette apparency de gravite et de grandeur d'ame qui fut si remarquable pendant ga vie. II ne donnera pas a Scipion l'air et l'atti-tude d'un lache, ni a Socrate celui du desespoir en approchant de ses levies la coupe fatale , ni a une vestale le regard d'une bacchante. Les objets peuvent etre represented avec la plus grande noblesse possible, et en meme temps etre cependant hors de leur sphere et contraires a la verite et a l'histoire. II est possible aussi d'etre naturel et vrai r et de manquer encore de noblesse en peinture; on peut citer comme le plus grand exemple en ce genre Rubens, et il y en a de nombreux dans les ecoles flamande, hollandaise et allcmande. En peinture ct en sculpture, nous sommes disposes a regarder un artisle, quand on dit qu'il travail le avec noblesse , comme un artiste qui embellit la nature, qui la fait plus agreable qu'elle n'est dans toutes ses parties , et qui evite adroitement et avec un gout excellent tout ce qui est trivial et sali d'im DE LA DANSE. 3q5 perfection En prenant ce mot dans son acception morale, Montesquieu a raison. II est plus noble de montrer du courage et de la fermete a sa der-niere heure, que de la lachete et du trouble; mais un artiste doit peindre seulement ce qui a ete, ce qui est, ou ce qui peut etre dans un sujet historique. La tranquillite apparente des traits d'un visage sto'ique au milieu des tortures est sans doute admirable ; mais cette force morale et physique ne peut appartenir a tout le monde. 11 serait inconvenant et faux de tailler tous ses personnages sur un meme patron, au milieu des plus grandes calamites. Les exemples donnes par Montesquieu ne me semblent pas justifier son assertion. En se trom-pant lui-meme, il a probablement induit les autres en erreur. Raphael est>, de tous les peintres, celui qui a mis le plus de veritable noblesse dans ses sujets; l'expression de ses personnages aussi est toujours vraie et belle, et souvent sublime. Si le peintre veut, comme le poete, envelop-per une lecon on un fait de morale sous le voile d'une allegorie, il faut alors qu'il allie la verite a la fiction pour representer des choses qui sont de simples creations de son imagination. II doit etre noble dans sa maniere, quand meme les differentes parties du tableau, prises separe-ment, ne seraient pas approuvees par ies philosophies. Tous nos gestes ne sont que ceux d'un automate, et ne signifient rien, si la figure reste muette et sans expression au lieu d'animcret de vivifier les gestes. U n acteur qui ne remue que le corps etles membres, ressemble a un peintre qui finirait soigneuscment les autres parties du |