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Show 30,0 MANUEL COMPLET pierres precieuses , de somptueuses draperies et « des ornemens les plus couteux du luxe » , p e n-sant ainsi eblouir et etonner la multitude. Quant aux personnages, ils ne les regardaient que comme des accessoires dans leurs compositions. lis ne se donnaient pas la peine de s enquerir s'ils avaient a representer des Romains ou des E-yptiens, des anciens ou des modernes; s'ils devaient avoir le meme costume ou des costumes differens, et en quoi pouvait consister cette difference ; si l'action qu'ils represcntaient se pas-sait a Constantinople ou a Paris, a Mexico ou a Madrid ; si la nature, les habitudes et les cou-tumes etaient les memes dans tout pays; s'ils avaient a faire agir des dieux ou des hommes, des heros ou des paysans, la vertu ou le vice. C'est a ce systeme d'ignorance que nous sommes redevables de Cesars en turbans , de heros de la fable en costume espagnol, et d'une foule d'anachronismes et d'erreurs de toute espece. lis ont pcint des matrones avec le regard de Lais; place la tete d'Adonis sur les epaules robustes d'Hercule. A u plus sage des hommes buvant la eigne , ils ont donne Pattitude de Virginias pret a immoler sa fille. Ils ont exprime le courage calme du martyr par le desespoir d'un homme ordinaire environne de tortures. C'est au maitre de ballets qui doit s'emparer des beautes de la peinture a en eviter les defauts, et plus particulierement ceux que nous venons de signaler, et qui sont d'un gout si detestable, qu'ils gateraient la meilleure composition. Nous devons cbercher a savoir choisir et imi-ter convenablement nos modeles, surtout si ce ne sont pas des productions de l'art que nous professons. Les Campi, Gatti, Procaccini, et UE LA DANSE. (.) presque tous les peintres de la Lombardie de ces derniers temps, ainsi que leurs imitateurs francais semblent avoir pris pour modele la poesie de Lucain. La maniere de ce poete, ses descriptions, ses imnges paraissent avoir contri-bue a la formation de leurs lalens et l\ la perfection du style qu'ils adoptent. 11 faut d'abord avoir etudie les principes de leur art dans les ouvrages de Michel-An-c et du Tintoret, et la maniere de ces grands artistes conduit par defies a I imitation du poete que nous venons de citer, et d autres auteurs les plus manieres et les plus gigantesques dans leurs compositions. Micbel- Angeexagere souvent, et ceux qui entreprennent de suivre ses traces sans posseder son genie et son execution vigoureuse, risquent souvent de se tromper. C'est ce qui est arrive a la plupart des peintres dont nous avons parle; ils ont porte lefaire (la main) de Michel-Ange plus loin qu'il ne Pavait fait lui-meme, et ont exagere ses defauts sans Pegaler dans ses bonnes qualites; ils se sont abandonnes aux inspirations du poele de Cordova ; ils ont monlre de la roideur pour de l'ener-^ gie, de la bouffissure pour de la grandeur, du gigantcsque pour de la force, de l'incroyable pour du sublime, des contorsions pour des attitudes naturelles et classiques , de la confusion et des inegalites pour du genie. Leurs ceuvres d'ailleurs doivent etre admirees pour leur toucbe savante et fine, leur beau coloris et leur dessin vigoureux. Ils out, comme I'auteur de la Phar-sale, des lueurs de genie et des morceaux dignes des artistes les plus classiques; ils semblent avoir saisi la brosse en quiltant la lecture du poeme latin, et, comme ce poeme, dieurs ceuvres ne sont pas sans feu, sans poesie, et accidentelle- |