Description |
Silver Reef cliffs stretch across mid-ground. Associated text from Albert Tissandier's book Six mois aux États-Unis : voyage d'un touriste dans l'Amérique du nord suivi d'une excursion à Panama (Paris : G. Masson, [1886]), p. 76-78: "Vers une heure nous arrivons à Silver Reef; c'est l'entrée des rochers grandioses de l'Utah. Les paysages de ce pays et ceux de Kaibab dans l'Arizona ne ressemblent assurément à rien de ce que l'on voit dans les autres contrées de l'Europe. L'herbe des prairies pousse sur des terres sablonneuses de grès vert, blanc, rose, jaune doré, etc., du ton le plus éclatant. Les montagnes, la plupart en roches de grès, sont bigarrées de couleurs semblables. Toutes ces teintes si diverses, voisines les unes des autres, et souvent sans aucune transition, sont d'un effet étrange, indescriptible. Sous la lumière et le feu du soleil, l'aspect du sol et des montagnes produit sur moi des impressions tout à fait fantastiques, invraisemblables, d'autant plus que la végétation elle-même n'est pas d'une apparence moins bizarre; les fleurs étincelantes du mois de juin, des cèdres au feuillage vert foncé, des sauges bleuâtres font encore ressortir avec un plus vif éclat ce mélange et, pour ainsi dire, ce débordement de couleurs presque extravagant. Je m'arrête une journée à Silver Reef, petite cité d'environ 400 habitants venus de bien des endroits divers. Des Chinois, quelques Indiens nomades, des Irlandais, des Canadiens et des Américains, puis enfin quelques soeurs de charité qui ont courageusement organisé une maison de secours pour les malades. Silver Reef est en prospérité, à cause des mines d'argent découvertes, il y a déjà quelques années, et dont plusieurs sont assez importantes. M. Allen, directeur d'une de ces mines, grâce à la recommandation de mon compagnon de voyage, veut bien me faire visiter la sienne. Elle a une profondeur de 83 mètres environ, et son développement est de 400 mètres. En six années, depuis qu'on l'exploite, elle a déjà donné 18 millions de dollars ou 90 millions de francs. Une tonne de roc peut fournir une moyenne de 25 dollars ou 125 francs. Le minerai se trouve surtout dans les couches fossiles de plantes aquatiques. On y recueille l'argent à l'état de chlorure et quelquefois aussi de sulfure. Dans les couches de clay shale ou argile on rencontre de l'argent natif en minces petites feuilles. Cette mine est creusée dans les épais bancs de grès vert et blanc. L'argent est retiré du minerai par voie d'amalgame. Cette opération se fait dans une usine de Silver Reef, située tout auprès des mines. Avant de me faire ses adieux, M. Lund me présente au conducteur qui me mènera à Kanab. Me voici donc avec un nouveau compagnon. C'est un Canadien qui parle fort bien le français. Élevé au Canada, dans une famille relativement aisée, son père a voulu lui rendre avant tout notre langue familière. Cet homme est un type curieux. A peine avait-il atteint sa majorité qu'il avait déjà dissipé tout son avoir. Il s'engagea comme marin et alla faire la pêche à la baleine. Puis, changeant de métier, il se fit mineur. A San Francisco il devient riche; mais il se ruine trois fois en quelques années dans des spéculations de mines et redevient simple ouvrier. Enfin le voici installé à Silver Reef; il y est loueur de voitures et il est bien convaincu qu'il va refaire sa fortune une quatrième fois. Nous nous installons dans une voiture aussi peu confortable que celle qui m'a conduite à Silver Reef, et les chemins ne sont pas moins mauvais. Heureusement le paysage est toujours splendide. Les rochers de Virgen River sont de couleur rose et gris d'argent, et je regarde avec surprise leurs silhouettes découpées et dentelées de mille façons fantastiques. Nous passons au milieu du village de Toquerville, dont toutes les maisons sont cachées sous les arbres et les fleurs. Les solitudes recommencent; toute la journée ce ne sont que déserts; puis nous côtoyons les Vermilion Cliffs, longue chaîne de montagnes de grès rouge qui dominent de grandes prairies où paissent de nombreux troupeaux. Le clair de lune éclaire féeriquement toutes ces scènes grandioses. Il est minuit; nos chevaux, fatigués de leurs quinze heures de voyage, s'arrêtent devant Pipe Spring, ferme complètement isolée dans les sables et les ranchos. Malgré l'heure avancée de la nuit, on nous y accueille gracieusement. La porte d'une sorte de hangar s'ouvre à notre appel et nous y achevons la nuit enveloppés dans nos couvertures; nous y restons jusqu'au matin. Le lendemain, à midi, nous étions à Kanab." |